Première partie
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Chapitre premier : les chiffres du tourisme mondial (2) |
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Une comptabilité peu fiable Tout d'abord, il faut garder constamment présent à l'esprit lorsqu'on étudie le tourisme, qu'il s'agit d'un secteur mal connu, mal appréhendé et que les chiffres du tourisme non seulement manquent de précision mais revêtent de grandes disparités d'un pays à l'autre, et même d'une région à l'autre. Les agrégats n'ont pas la même valeur ni la même signification. Dans certains pays, le tourisme est comptabilisé sous le poste "transport", dans d'autres, les chiffres sont erronés, volontairement ou non. Les chiffres sont parfois gonflés artificiellement ou non, notamment par l'apport des flux des résidents à l'étranger. D'autre part, aucun pays ne comptabilise la grande quantité de facteurs connexes pourtant générés par le tourisme. C'était l'objet de la conférence de l'OMT qui s'est tenue à Nice en juin 1999. Cette conférence avait pour but de proposer une nouvelle comptabilité du tourisme qui tiendrait compte de tout ce que peut générer le tourisme en amont comme en aval et qui permettrait de mieux évaluer l'importance du secteur dans toute sa complexité. L'activité la plus dynamique au monde L'aspect le plus spectaculaire du tourisme, c'est qu'il est devenu l'activité la plus dynamique au monde avec une croissance de 7,4 % en 2000, considérée comme une année exceptionnelle. La croissance moyenne a atteint 4,3 % par an durant la décennie 1989-1999 ce qui le place en troisième position après le secteur pétrolier et automobile pour le revenu mais en première position tous secteurs confondus pour le taux de croissance. Les arrivées de touristes dans le monde sont passées de 426,5 millions en 1989 à 698,8 millions en 2000. Pendant ce temps, les recettes ont plus que doublé : de 221,3 milliards de $ en 1989 à 476 milliards de $ en 2000.
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Fig. 1 : arrivées et recettes du tourisme mondial - OMT, 2001 |
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Y compris durant les années de crise entre 1991 et 1995, le tourisme a toujours maintenu une croissance positive et parfois très impressionnante lorsqu'on évalue les recettes (+ 13,52 % en 1992 et + 14,44 % en 1995). C'est là le tout premier constat du secteur : les flux de voyageurs dans le monde ne tarissent pas. Même en 1991, année noire du tourisme en raison de la Guerre du Golfe, la croissance reste positive quoique ralentie. Aujourd'hui, rien ne semble plus devoir freiner la progression de ce gigantesque secteur de l'économie mondiale. La Guerre du Kosovo et les événements politiques en Turquie en 1999 n'auront pas eu le dixième des répercurssions qu'avait déclenché en son temps l'opération "Tempête du Désert" en Iraq. Bien entendu, les Turcs, les Yougoslaves ne l'entendent pas ainsi car pour eux la saison, voire même le secteur tout entier sont ruinés. Mais pour l'économie mondiale du tourisme, cela passe presque inaperçu car les flux se reportent immédiatement sur d'autres destinations plus hospitalières, moins dangereuses et elles sont plus nombreuses chaque année. Cependant, pour la première fois, en 2001, la croissance du tourisme mondial est négative à -1,3 %, suite aux attentats du 11 septembre mais aussi à une récession généralisée amorçée dès le début de l'année. Une concurrence internationale Le deuxième constat de ce secteur, c'est que l'offre touristique s'est considérablement étoffée face à une demande qui, nous l'avons vue, ne cesse de croître. Au niveau national, les pays développent quantitativement leur offre en multipliant les lieux de villégiature et les régions à visiter ; au niveau international, les Etats ouverts au tourisme sont de plus en plus nombreux tandis que les barrières policières et douanières sont toujours moins hautes. Le schéma suivant montre que c'est surtout l'Europe (avec 57,7 % de part de marché en 2000) et l'Amérique du Nord (avec 18,5 % de part de marché en 2000) qui bénéficient des arrivées mais aussi des recettes du tourisme mondial. Toutefois, l'Asie, dont l'arrivée sur la scène internationale du tourisme est plus récente, a augmenté considérablement sa part dans le tourisme mondial au détriment des deux géants, passant de 6,1 % en 1970 à 16 % en 2000. |
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Fig. 2 : Part des arrivées et des recettes touristiques par région du monde - OMT 2001 |
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Sa croissance importante s'explique par l'ouverture au tourisme de nombreux pays auparavant fermés aux visiteurs étrangers ainsi que par un grand dynamisme économique. La crise asiatique a cependant mis un frein à cette croissance à deux chiffres depuis 1996. Une répartition inégale En dehors de ces 3 grandes zones réceptrices mais aussi émettrices : Europe, Amérique du Nord et, dans une moindre mesure Asie, des zones de plus faible importance tentent de s'octroyer une part de ce secteur attrayant comme c'est le cas du sud du bassin méditerranéen. L'Afrique reste malheureusement un continent à l'écart des grands flux, à l'exception de l'Afrique du Sud qui, depuis la fin de l'Apartheid, a connu une augmentation impressionnante des arrivées de touristes. La part de l'Afrique dans le tourisme mondial recule sans cesse. Il en va de même pour certains pays d'Amérique Centrale et du Sud dont les difficultés politiques et économiques les empêchent de se consacrer au tourisme (Guatemala, Pérou, Colombie, Argentine...). |
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Fig. 3 : arrivées
du tourisme international par régions - 1989-2001 (millions d'arrivées
et pourcentage) |
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Fig. 4 : recettes du tourisme international par régions - 1989-2001 (milliards de $ US et pourcentage) - OMT |
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Fig.
5 : les 15 principales destinations touristiques au monde (milliers d'arrivées)
- OMT - 2000 |
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Fig. 6 : les 15
pays du monde aux recettes touristiques les plus élevées
à l'exclusion du transport |
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Une globalisation irréversible et menaçante L'aboutissement des négociations de l'Uruguay Round et la signature de l'accord du GATS (3) intervenue en 1994 et ayant abouti à la création de l'OMC, n'a fait qu'accélérer le processus de globalisation qui caractérise aujourd'hui tous les secteurs de l'économie planétaire y compris le tourisme, déjà international par vocation. D'ores et déjà, on estime que les pays industrialisés, qui ne représentent pourtant que 20 % des pays signataires de cet accord, bénéficient à hauteur de 70 % des revenus supplémentaires générés par cet accord (4). Les effets de la globalisation se sont déjà fait sentir et s'accélèrent considérablement ces derniers temps notamment du fait des nombreux regroupements de multinationales. Ces méga entreprises tiennent parfois entre leurs mains les marchés de plusieurs pays et sont bien souvent plus puissantes que des gouvernements. On observe déjà
des privatisations massives dans les pays du Sud qui remettent des pans
entiers de leur activité touristique à ces grandes multinationales
occidentales dont toutes, à l'exception du français Accor,
ont leur siège aux Etats Unis. Les pays du Sud sont contraints d'ouvrir leurs frontières aux produits et services du Nord, en vertu d'une libéralisation du commerce. Ces importations sont payées en devises et aggravent un peu plus la dépendance de ces pays. Parallèlement, ces pays s'engagent dans le tourisme à outrance et, pour tenter de sortir des programmes d'ajustement structurel, ils développement des infrastructures touristiques souvent au détriment d'autres investissements plus urgents pour les populations locales. (voir annexe I sur le tourisme en Turquie). A contrario, les pays du Sud n'ont quasiment aucun accès aux marchés du Nord en dépit de la libéralisation des échanges. Leur faible capacité d'investissement et une politique d'immigration très restrictive des pays du Nord freinent considérablement leurs implantations sur ces marchés. La liste des méfaits de la globalisation ne s'arrête pas là. Présentée comme une panacée, un bienfait pour tous, la globalisation menace en réalité l'équilibre de notre planète au détriment bien entendu des pays en voie de développement. Malheureusement, le secteur du tourisme offre une des meilleures illustrations de ce que peut entraîner cette globalisation. Prospective : le rapport Horizon 2020 Le rapport préparé par l'OMT et qui projette les tendances à venir pour les deux prochaines décennies est à la fois rassurant et alarmant. Alarmant car il prévoit le chiffre de 1,6 milliards de touristes pour l'an 2020 pour une population mondiale qui serait passée à 7,8 milliards d'habitants. Les recettes annuelles du tourisme atteindront alors le montant de 2000 milliards de dollars. Les échanges se feront massivement par l'intermédiaire des nouvelles technologies qui remplaceront les contacts humains. Paradoxalement, c'est aussi ce qui motivera le citoyen, de plus en plus urbanisé, à voyager pour aller à la rencontre de l'autre. Car nous serons désespérement en quête de contacts humains et le tourisme apparaîtra comme un moyen privilégié de les satisfaire. Et les nouvelles technologies seront l'occasion d'assurer une diffusion planétaire à des produits "authentiques", à des hébergements chez l'habitant, des vacances autonomes qui n'auraient eu aucune chance d'être diffusés dans les circuits de distribution classique. "Le tourisme du 21ème siècle ne sera pas seulement le premier secteur d'activité au monde mais il sera - et de loin - le secteur le plus important que le monde ait jamais connu. Mais parallèlement, il devra assumer davantage de responsabilité quant à l'ampleur de ses impacts. Outre des répercussions économiques, le tourisme a sur l'environnement, sur les sociétés et sur les sites culturels des incidences qui sont de plus en plus étroitement surveillées par les pouvoirs publics, les associations de consommateurs et les voyageurs eux-mêmes (5). L'étude des flux des devises du tourisme confirme encore malheureusement l'existence de disparités et d'inégalités criantes au détriment des pays du Sud. C'est l'objet de notre deuxième chapitre. *** _______________________________________________________________________________ (2) source
: Organisation Mondiale du Tourisme "Tourism Highlights", Madrid,
2001, OMT |