Première partie :
l'impact du tourisme sur les pays d'accueil

retour à l'accueil

Chapitre troisième : L'impact sociologique et environnemental du tourisme

 

C'est dans les domaines sociologique et environnemental que l'impact du tourisme est le plus aisé à démontrer car il suffit de voyager pour se rendre compte. Cependant, ce n'est pas toujours ce qui interpelle le plus les touristes car ceux-ci s'attachent davantage à leur propre confort, à la qualité de service, à leur santé en voyage, à leurs dépenses et font souvent peu cas de leurs hôtes.

Certains comportements extrêmes des touristes occidentaux sont la cause de bien des malheurs dans les pays du Sud. C'est le cas notamment du tourisme sexuel qui donne lieu à une dramatique prostitution enfantine. Ceci constitue le cas le plus grave de l'impact négatif que peut avoir le tourisme sur une population réceptrice.

La prostitution enfantine : fléau du tourisme de masse

Les touristes occidentaux et spécialement d'Europe du Nord, sont à l'origine de ce fléau qui ravage des pays comme la Thaïlande, le Vietnam (11), le Brésil, l'Inde, les Philippines ou certains pays d'Afrique. Les enfants sont victimes d'enlèvements ou sont achetés à leurs familles, puis sont séquestrés dans des maisons closes pour être vendus aux touristes occidentaux dont la conscience est en vacances pour quelques temps.

En Thaïlande, un programme de recherche établi par le centre d'économie politique de la Chulalongkorn University (12) de Bangkok a mis en évidence les chiffres du tourisme sexuel dans ce pays. Il représenterait entre 90 et 100 milliards de francs soit à peu près la moitié du budget 1995 de la nation. Cette énorme activité illégale - qui n'existe que parce que le gouvernement ferme les yeux - est "blanchie" à travers des placements immobiliers, des transactions boursières et l'industrie du divertissement. Les recherches ont pu identifier 20 à 30 membres du parlement compromis dans ce trafic, en participant directement, en protégeant, en finançant et en aidant ces activités. Les chercheurs estiment que 10 à 20 % des prostitués sont mineurs.

En 1990, le tour opérateur britannique Sunmed écrivait dans sa brochure "Go Places", en parlant des Thaïlandais : "ils sont des Peter Pan, éternels enfants qui n'ont jamais grandi..." et en parlant de la Thaïlande : "c'est le pays le plus sensuel et le plus ouvertement sexuel de la planète". La brochure recommandait aux visiteurs potentiels de Pattaya : "si vous pouvez le sucer, l'utiliser, en manger, le sentir, l'essayer, en abuser ou simplement regarder, n'hésitez-pas : tout est possible dans ce lieu qui ne dort jamais. Pattaya n'est pas fait pour les prudes.". La même année, la compagnie aérienne autrichienne Lauda Air est condamnée à présenter des excuses à la Thaïlande et à retirer le magazine de bord qui vantait les charmes du pays dans des termes similaires (13).

Fig. 10 : les pays touchés par le tourisme sexuel. Source : ECPAT, 1999

 

Au Sri Lanka, le développement du tourisme (+ 10,5 % de croissance en 1995) est allé de paire avec celui du tourisme sexuel. Selon l'organisation PEACE (Protecting the Environment and Children Everywhere), entre 15 et 20 000 enfants de 6 à 14 ans sont esclaves dans des bordels. 5 à 10 000 mineurs se prostituent, essentiellement des jeunes garçons. Du fait des habitudes culturelles, les fillettes sont mieux protégées (14). Le cas de l'Asie est préoccupant car des tour opérateurs peu scrupuleux qui font de cette activité leur fonds de commerce ont développé une offre spécifique et proposent des forfaits où cette forme de tourisme est implicitement incluse.

Toutefois aucune région du monde sous-développé n'échappe vraiment à ce fléau, condamnant des enfants à peine pubères au sida et à une déchéance physique et morale complète. Au Brésil, dans l'état du Nordeste, la prostitution enfantine a pris une telle ampleur qu'une Commission Parlementaire d'Enquête a été créée. Les trois villes touristiques littorales de Mossoro, Natal et Cabo semblent particulièrement exposées. Parfois complices, souvent dépassées, les autorités des pays concernés laissent faire en fermant les yeux, au vu des devises que rapporte cette forme de tourisme.

C'est probablement l'aspect le plus scandaleux de l'impact du tourisme sur les pays du Sud et quoique le combat contre l'exploitation sexuelle des enfants ait été très médiatisé et soit condamné unanimement notamment à l'occasion de conférences internationales (15), cela reste une triste réalité pour des centaines de milliers d'enfants à travers le monde.

Malheureusement, c'est loin d'être le seul aspect négatif du tourisme. D'autres dégâts sont constatés sur les populations d'accueil, qu'ils soient évidents, comme le cas que nous venons d'invoquer ou plus insidieux et progressifs.

Fig. 11 : flux internationaux de touristes sexuels. Source : ECPAT, 1999

La prostitution des adultes

Ce n'est pas non plus une fatalité pour les pays du Sud et on constate malheureusement trop souvent que c'est le tourisme qui, là encore, en est à l'origine. En Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, des hommes et des femmes se prostituent dans des conditions très dures auprès des touristes occidentaux dans l'espoir d'améliorer leur revenu ou simplement de survivre.

Info Birmanie cite, dans son bulletin mensuel, le cas de femmes Birmanes employées dans les bordels thaïlandais où elles sont bâillonnées, surveillées, cloîtrées dans des conditions de vie inhumaines. Certaines sont très jeunes (12 ou 14 ans) et se retrouvent parfois enceintes, condamnées à avorter clandestinement. On estime à 80 % le nombre d'entre elles qui sont touchées par le sida. Elles sont peu concernées par les campagne de prévention qui se font en langue thaïlandaise ou occidentale et visent plus les clients que les prostituées (16).

Parallèlement, il existe aussi une prostitution "volontaire" directement liée à la misère ou à des conditions de vie très difficiles. Au Maroc mais aussi en Egypte, quoiqu'il n'y ait aucune statistique officielle ni officieuse, il y a un phénomène de prostitution lié à l'afflux de touristes du Moyen Orient, venus chercher dans ces pays, des plaisirs (cabaret, boisson, prostitution) interdits dans leurs pays respectifs. On peut également citer les Caraïbes, notamment le cas de St Domingue ou celui de Cuba où sévit un véritable tourisme sexuel "volontaire" pour les nombreux occidentaux (hommes et femmes Européens ou Américains), venus chercher au soleil la compagnie de locaux consentants.

[Pour plus d'informations sur le tourisme sexuel, vous pouvez consulter le dossier réalisé par "Le Routard Magazine".]

Mais des dégâts tout aussi insidieux guettent des populations fragiles malheureusement elles aussi confrontées au tourisme de masse.

Le travail forcé : une triste réalité

Dans certains pays, on déplore des cas fréquents de travail forcé directement lié au tourisme et notamment à la mise en valeur touristique des sites.

C'est le cas en Birmanie où l'organisation indépendante Info Birmanie dénonce le travail forcé pour la construction d'hôtels destinés aux touristes étrangers dans le cadre de la campagne d'ouverture du pays au tourisme lancée en 1994. C'est l'une des raisons pour lesquelles la leader de l'opposition et prix Nobel de la paix Madame Aung San Suu Kyi recommande le boycott de son propre pays aux touristes occidentaux. C'est aussi le cas en République populaire de Chine mais les témoignages sont plus rares pour cette pratique couramment admise dans les pays communistes.

Il est à noter que ces pratiques sont généralement limitées à des pays de régime dictatoriaux à de rares exceptions près.

C'est une atteinte grave aux droits de l'homme et une frustration économique importante pour des populations vivant déjà en dessous du seuil de pauvreté et qui sont en droit d'attendre du tourisme un revenu complémentaire plutôt qu'une source d'esclavage.

La fragilité des populations

Dans sa quête d'exotisme et d'horizons différents, le touriste est parfois à l'origine de dégradations irréversibles sur les populations d'accueil. Or, moins une population est habituée au tourisme, moins elle sera armée et préparée à cette confrontation.

C'est notamment le cas des tribus ancestrales comme les Masaïs Maras d'Afrique Australe, des Indiens d'Amazonie ou de Guyane française ou encore des Aborigènes d'Australie. Le simple contact suffit à décimer ces tribus fragiles, coupées du monde extérieur depuis leur origine et vivant en autarcie dans des milieux eux-mêmes très fragiles comme la forêt équatoriale. Il existe de nombreux cas de tribus d'Indiens au Brésil (Yanomamis et Huaoranis notamment) dont le seul contact avec les Occidentaux (touristes mais aussi habitants des villes voisines) a détruit complètement l'équilibre, les entraînant dans une misère qu'ils n'auraient jamais connue autrement.

D'abord vêtus par les Occidentaux, dans un souci de décence, ou par imitation, puis envahis d'objets inutiles, boissons et aliments industriels, ces populations désemparées face au monde occidental et complètement isolées ont peu à peu perdu tout intérêt pour leurs activités traditionnelles de chasse, de pêche et de cueillette. Leur cohésion sociale, garante de la survie du groupe et de chaque individu a été détruite, les réduisant à l'état de mendiants, entièrement dépendants de la générosité des "blancs" des villes voisines. Le film de J. Boorman "La forêt d'émeraude" décrit bien ce processus de contact où le groupe perd son identité et parfois sa vie. Un documentaire (17) sur les Indiens Huaoranis de la forêt amazonienne l'évoque également.

"Le tourisme ne devrait pas être une force destructrice pour les peuples indigènes. C'est malheureusement souvent le cas : il faut combattre toute forme de tourisme qui ne respecte pas leurs droits. Le tourisme doit être soumis au contrôle des peuples indigènes.
Pas de maladie : certaines maladies contagieuses comme la grippe et la malaria, bénignes pour les touristes, peuvent tuer les autochtones.
Respectez les droits territoriaux des indigènes
Pas de mépris, pas d'insulte, pas de paternalisme
Demandez l'autorisation : le tourisme dans les territoires habités ou utilisés par les peuples indigènes ne devrait pas être possible sans leur consentement.
Payez correctement les peuples indigènes pour les services qu'ils rendent.
Soyez respectueux : les compagnies touristiques doivent exiger de leurs équipes et de leurs clients qu'ils se comportent avec respect envers les peuples indigènes." Extrait d'un dépliant édité par l'association SURVIVAL

D'autres cas existent, auprès de populations moins fragiles mais auxquelles le tourisme a fait subir un processus d'acculturation. C'est le cas, depuis la fin du siècle dernier des Indiens des Etats Unis et du Canada qui, parqués dans leurs réserves, conservent leurs vêtements traditionnels et leurs quelques activités artisanales et coûtumes à l'unique intention des touristes. Ils se produisent comme des professionnels du spectacle en reproduisant leurs danses et leurs cérémonies traditionnelles devant les regards des touristes. C'est aussi le cas des tribus Masaïs du Kenya et de Tanzanie qui, au même titre que les animaux sauvages du Safari, font partie du décor qu'un touriste se doit d'avoir vu avant de quitter le pays. C'est ce que les ethnologues appellent la "folklorisation" des populations.

Les observateurs citent également les femmes-girafes de Birmanie du Nord qui font l'objet d'un afflux de touristes et se retrouvent parquées dans leur village, sous les regards des touristes venus les contempler et prendre des photographies. C'est le gouvernement birman qui organise lui-même ces visites, toujours dans le même but d'engranger des devises.

Les déplacements forcés de population

Des déplacements de population sont orchestrés à l'initiative ou avec l'accord des gouvernements dans de nombreux pays, notamment pour édifier des projets immobiliers ou touristiques.

Dans sa revue trimestrielle (18), Transverses cite le cas de CALABARZON aux Philippines, vaste projet de développement industriel et touristique concernant 5 provinces (Cavite, Laguna, Batangas, Rizal et Quezon) pour décongestionner la métropole de Manille. Le projet consiste, entre autres, à bâtir un hôtel de luxe et une série de plages privées. Plus de 8600 hectares sont concernés, sur lesquels se trouvent actuellement 4 villages et plus de 10.000 familles qui vivent de l'exploitation agricole. Outre le préjudice subi par leur communauté, les paysans soulignent les risques que ce projet fait courir à leur environnement et notamment les menaces que fait peser l'arrosage des terrains de golf sur les réserves d'eau.

Les cas sont innombrables où des populations locales ont été déplacées définitivement de leurs terres pour bâtir des projets touristiques bien plus rentables pour des motifs économiques ou politiques. Dès lors, privé de ses moyens de subsistance, le groupe se voit obligé d'émigrer vers les faubourgs des grandes villes et d'aller grossir les quartiers de bidonville pour survivre de mendicité ou d'emplois précaires.

Erling Kavita (19), défenseur de la communauté Bushmen de Namibie, cite également l'éco-tourisme comme un des dangers qui menacent les populations locales. En effet, basé sur la création de parcs naturels préservés d'où la population locale est exclue, l'éco-tourisme est censé protéger la nature et offrir aux touristes la vision d'une terre idyllique, vierge comme aux premiers jours. Tandis que les indigènes sont repoussés hors des limites du parc, confinés sur des terres moins belles et plus pauvres, parfois privés de l'accès aux ressources essentielles à leur survie comme l'eau. Ils y perdent également la tranquillité de leur existence antérieure et de leur intimité pour le seul bénéfice des touristes.

De nombreux observateurs s'indignent également d'un projet de parc national en Guyane Française qui est, rappelons-le, un département français. Ce projet prévoit la création d'un vaste parc national au sud du territoire. Pour sa réalisation, les autorités prévoient l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 14 septembre 1970 qui interdit l'accès aux territoires des trois ethnies amérindiennes qui s'étendent sur 30 000 km2. Cette mesure provoquerait une invasion des touristes et des promoteurs touristiques et par voie de conséquence une destruction de l'équilibre fragile de ces populations (20).

Il existe encore de multiples méfaits dus au tourisme qui s'abattent sur les populations d'accueil.

... et bien d'autres conséquences négatives

Parmi les populations déjà urbanisées ou celles qui ont abandonné leur mode de vie traditionnel depuis plus longtemps, les méfaits du tourisme se font aussi sentir.

On peut citer les restrictions imposées aux populations locales pour le bénéfice des touristes. C'est notamment le cas des restrictions sur l'arrosage des cultures vivrières pour permettre aux touristes de se baigner dans une piscine ou de jouer au golf (très gros consommateur d'eau et de pesticides).

On notera aussi les interdictions et les restrictions qui sont faites aux populations locales pour pénétrer dans les villages de touristes ou les hôtels, dans leur propre pays, sur les propres terres, afin de préserver les touristes de tout désagrément.

Dans les villes très touristiques, la mendicité n'est pas le moindre mal qui guette les populations locales. Elle est destructrice de l'équilibre et de la cohésion de la famille et du groupe. Parfois, en mendiant ou en proposant ses services de faux guide, un enfant de 10 ans gagne plus que son père qui travaille 10 à 12 heures par jour. Une femme qui se prostitue auprès des visiteurs étrangers gagne plus en 1 journée qu'au cours d'un mois entier d'un travail honnête.

Le marchandage, pratique communément admise par les touristes comme faisant partie d'un jeu qui pimente les vacances, est également une arme à double tranchant. Les touristes marchandent sans discernement - avec une ardeur qui n'a d'égal que l'amusement qu'ils en tirent - auprès de petits artisans dont tout le fonds de commerce tient dans la main. Alors qu'ils paieront le prix fort auprès d'un bazariste qui exploite les petits artisans.

Dans son ouvrage (21), Georges Cazes démontre également la corrélation entre flux touristique et inflation. C'est une conséquence qui peut s'avérer dramatique pour les populations locales. Le volume des touristes provoque généralement un accroissement des prix qui engendre des frustrations importantes chez les populations locales qui ne peuvent plus consommer leurs propres produits mais voient des étrangers venir les consommer sous leurs yeux.

Enfin les emplois que font miroiter ceux qui préconisent le développement par le tourisme, sont bien souvent un leurre. Car l'expérience démontre qu'il s'agit souvent d'emplois subalternes voire dégradants, la plupart du temps sous-payés et saisonniers, ne permettant pas toujours de vivre décemment. Nous connaissons le cas de nombreux chauffeurs de taxis touristiques au Maroc dont les revenus ne suffiront jamais à remplacer le véhicule pourtant amorti depuis plus de dix ans. Ce qui entraîne un cercle vicieux dans la mesure où les touristes rechignent à emprunter ces véhicules trop délabrés.

Fig. 12 : Bêtes de somme pour touristes : les Sherpas portent parfois des charges allant jusqu'à 60 kg !

Nous avons passé en revue les principaux dégâts que pouvait occasionner le tourisme sur les populations d'accueil. Nous allons maintenant faire une évaluation des dégâts occasionnés sur l'environnement des pays d'accueil.

L'environnemnet naturel : faune et flore

L'aspect écologique et environnemental est beaucoup plus médiatisé et a davantage les faveurs du public que l'aspect humain. Il est de notoriété que le tourisme cause de grands dégâts sur l'environnement naturel et malgré la sensibilité du public à cette cause, ces nombreux dégâts sont toujours à déplorer.

Parmi ces méfaits, les safaris, aujourd'hui interdits, ont - entre autres pratiques - contribué à la disparition d'espèces menacées comme les rhinocéros ou les éléphants. Aujourd'hui, ces espèces sont censées être protégées et elles le sont - parfois même au détriment des êtres humains (22) - mais beaucoup d'autres subissent toujours les méfaits du tourisme de masse. Y compris dans les parcs naturels et les réserves où le comportement des touristes est souvent irrespectueux de la nature et des animaux.

Le tourisme a pu, dans certains cas extrêmes, donner lieu à de véritables désastres écologiques dans des zones déjà fragiles au départ. C'est le cas des marais, des dunes, de la montagne ou de la mangrove, toutes zones où l'écosystème est précaire. Ces zones sont parfois plus exposées aux dégâts de par leur intérêt touristique.

Il n'est pas nécessaire d'aller bien loin pour constater les dégâts occasionnés par le tourisme. Il suffit de se rendre sur les plages l'été ou en montagne l'hiver pour constater que le simple afflux de touristes - sans qu'ils dégradent volontairement le lieu - peut entraîner de graves conséquences. Or le touriste n'est pas réputé pour son excessif respect de l'environnement. Parfois sensible chez lui à cet aspect, il a souvent tendance à mettre de côté le civisme et la responsabilité dès qu'il voyage hors de chez lui.

Quand le citoyen responsable est en vacances

Les Européens, et ceux du Nord en particulier (Allemands, Hollandais, Scandinaves...) ont été considérablement sensibilisés et ce depuis de nombreuses années, à l'environnement et à l'écologie. De nombreuses campagnes ont été lancées dans ce but par leurs gouvernements respectifs et, dans la société civile, beaucoup d'associations et d'individus se mobilisent pour cette cause.

Il est malheureux de constater qu'en revanche, une fois devenus touristes, ces mêmes citoyens ont des comportements irresponsables à l'égard de l'environnement, notamment lorsqu'ils ne sont plus chez eux mais dans les pays d'accueil. Parfois, l'absence de législation ou les habitudes des populations locales leur servent d'excuse pour se laisser aller à des pratiques qui n'auraient pas cours chez eux.

A cela, il faut ajouter le gâchis provoqué par les constructions édifiées à l'usage des touristes : hôtels "pieds dans l'eau" ou "pied des pistes", villages de béton, aménagements divers très discutables sur le plan esthétique... En Tunisie, à Djerba, l'importante quantité d'hôtels sur les littoraux, fait peser des contraintes terribles sur l'irrigation des cultures dans l'arrière pays. On peut également y ajouter les boutiques de souvenirs et la multitude d'objets de pacotille créés uniquement à l'intention des touristes et qui gâchent le décor naturel.

Le cas particulier du golf mérite qu'on s'y attarde. Pour ce sport d'élite, réservé à l'usage privatif de quelques rares habitants du pays ou des touristes étrangers, on n'hésite pas à aménager des centaines d'hectares à grand frais, en déplaçant au besoin cultures vivrières et populations. Au Maroc, pays souffrant de sécheresse chronique, on dénombre plus de vingt terrains de golf. Or il faut environ 6 500 m3 d'eau par jour pour arroser un terrain de golf de 18 trous. Enfin, on sature le terrain de pesticides pour protéger le gazon. Voilà un sport qui, apparamment écologique, se fait au détriment de la nature.

Inquiétantes également sont les dégradations occasionnées au patrimoine et souvent dans les pays n'ayant pas les moyens d'en organiser une protection correcte. C'est le cas entre autres du temple d'Angkor au Cambodge. Ce monument, inscrit au patrimoine mondial en 1992, a subi d'importants dommages dus à la guerre et fait l'objet actuellement d'un pillage par les touristes. L'Egypte lutte également constamment contre les pillages de trésors archéologiques dans la vallée des Rois qui font l'objet d'un véritable trafic. La Turquie, qui regorge de trésors archéologiques, est également dans l'impossibilité de surveiller les nombreux sites à ciel ouvet dont les restes sont convoités par les touristes.

L’ensemble de Borobudur, Indonésie.
© UNESCO/A. Voronzoff.

Le tourisme peut, cependant, avoir des effets néfastes. Ainsi, des millions de touristes visitent le temple de Borobudur en Indonésie, inscrit sur la Liste du patrimoine mondial, qui se trouve dans une région au climat très chaud et humide. Pour assurer le confort des visiteurs, les chauffeurs des cars de tourisme laissent tourner le moteur avec la climatisation en attendant que les touristes aient terminé leur visite. Les émanations d’oxyde de carbone risquent d’endommager les pierres de l’édifice.

Fig. 13 : Le temple de Borobudur en Indonésie - document extrait du site Internet de l'UNESCO

Dans son site Internet (23), l'UNESCO s'interroge sur les méfaits du tourisme pour le patrimoine mondial : '"L'industrie du tourisme et des voyages, un des plus importants secteurs d'activité économique à l'échelle mondiale, connaît une croissance très rapide. Pour la seule zone Asie-Pacifique, le Conseil mondial du voyage et du tourisme estime que le chiffre d'affaires de 805 milliards de dollars US réalisé en 1995 va s'accroître de près de 80 % par an durant les dix prochaines années pour atteindre deux trillions de dollars US en 2005. Quel sera l'effet de cette terrible expansion sur la préservation de l'intégrité voire la survie même des sites du patrimoine ?

Préserver notre planète

Aujourd'hui cependant, les pays occidentaux, plus riches et mieux organisés, ont les moyens d'assurer la protection de leur environnement, même s'ils rencontrent de nombreuses difficultés. Mais que dire pour les pays du Sud dont la priorité n'est certes pas la protection de l'environnement. En proie aux plus graves diffi cultés économiques pour rembourser leur dette extérieure, nourrir leurs populations, donner du travail à chacun, ces pays jugent bien évidemment la protection de l'environnement comme un luxe et ce, à juste titre.

Cependant, cette protection de l'environnement sur une planète que nous avons en commun avec tous les êtres qui la peuplent est l'affaire de tous. Et il est évident que les problèmes écologiques auxquels sont confrontés les pays du Sud devraient être partagés avec les pays plus riches qui peuvent apporter une aide.

En attendant cette utopique prise de conscience, le touriste peut et doit, à son niveau, respecter l'environnement des pays d'accueil au moins autant qu'il respecte son environnement direct, chez lui, dans son pays. Le citoyen responsable qu'il est chez lui doit devenir un touriste responsable lorsqu'il est en villégiature n'importe où dans le monde. Or c'est loin d'être le cas à l'heure actuelle.

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Cette évaluation qualitative de l'impact du tourisme sur les pays d'accueil nous a permis de faire un tour d'horizon de toutes les souffrances et de tous les dégâts que pouvait causer le tourisme sur les populations et un environnement qui font partie intégrante du "produit touristique" et que les touristes "consomment" parfois au sens propre.

C'est donc, nous le voyons une lutte perpétuelle entre le site dans tous ses aspects (les êtres humains, la nature, le patrimoine) et le touriste. Avec bien entendu une perception de la gêne et de la dégradation qui peut varier considérablement selon l'époque, selon la zone géographique ou tout simplement selon la population considérée. C'est ce qu'explique très bien Florence Deprest (24) dans son ouvrage "Enquête sur le tourisme de masse, l'écologie face au territoire" où elle étudie le cas de la station de montagne de St Gervais à travers les époques.

C'est la confirmation irréfutable qu'un tourisme différent doit voir le jour en ce XXIème siècle ; un tourisme plus conforme à l'éthique, un tourisme responsable, à l'image des citoyens responsables que nous sommes dans nos pays respectifs.

Cette réflexion est le postulat de départ qui a conduit à s'interroger sur la nécessité de mettre en oeuvre un tourisme qui serait directement inspiré du commerce équitable afin de pallier les impacts négatifs qu'il fait peser sur les pays du Sud.

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(11) Parmi les pays d'Asie récemment touchés par ce fléau, les spécialistes citent également le cas du Vietnam qui, ouvert au tourisme depuis 8 ans, a connu un net recul après que la vague des anciens combattants venus faire un pèlerinage se soit tarie.
(12) Extrait de Info Ecpat France n° 2 - juin 1997
(13) Cité par Kevin Ireland dans son rapport pour le compte de Save the Children Overseas Department, sept. 93
(14) Cité par Peuples en Marche n° 126 - mai 1997 dans un dossier spécial sur le tourisme
(15) Cf Conférence de Stockholm sur la prostitution enfantine en août 1996
(16) Info Birmanie n° 13 - décembre 1998 - p. 8
(17) Colifichets et verroteries, documentaire de Christopher Walker (1996) diffusé le 5 août 1999 sur Arte
(18) Rapporté par la revue Transverses Info n° 12 - janvier 1998
(19) Responsable de l'Eastern Epakiro Farmers Association de Namibie (association de tourisme communautaire des Bushman)
(20) Extrait d'un article de Simone Dreyfus Gamelon "Les Indiens de la République" in Le Monde du 16 janvier 1999
(21) G. Cazes, Tourisme et Tiers-Monde, un bilan controversé, Paris, 1992, L'Harmattan, p. 49 et suiv.
(22) Allusion à l'article Protection des Eléphants au Cameroun in Transverses Info n° 16 - 3ème trim. 1999
(23) http://www.unesco.org

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